Un panier pour dormir !

29 Janvier 2015

Image : hebus.com

Par Léa BERR, future éthologue passionnée par les troubles comportementaux des animaux de compagnie et de laboratoire, dont le grand rêve serait de devenir vétérinaire éthologue. Ayant déjà travaillé sur les chiens, les souris et les rats, notre éthologue en herbe s’attaque aujourd’hui aux chats !

Pourquoi s’intéresser au milieu hospitalier vétérinaire ?

L’influence de l’environnement sur l’expression des comportements des animaux n’est plus à démontrer. Des situations très contraignantes liées à l’enfermement peuvent générer un stress environnemental important. Le chat, à l’instar de tout autre animal y est sensible. L’étude réalisée par Kry* et Casey* en 2007 dans un refuge a montré que la composition de la cage avait un impact sur les comportements du chat, en particulier sur le stress de l’animal. En effet, un chat placé dans un milieu restreint avec peu d’aménagement, comme un panier ou une plateforme, montre des comportements d’immobilité ou de prostration (comportement de peur), indicateurs directs de stress.

Lorsque sa maladie justifie une hospitalisation, le chat de compagnie va être placé temporairement dans une cage. L’animal se trouve alors dans un état de stress important découlant du fait qu’il se trouve dans un endroit nouveau, restreint, loin de son maître, et parfois pour une longue période. Sans oublier le fait qu’il est manipulé par différentes personnes sans aucune habituation et plusieurs fois par jour. Avant tout, ne perdons pas de vue que le chat hospitalisé est surtout un chat malade. Il peut donc ressentir de la douleur. Si, en plus de cela une intervention chirurgicale est nécessaire, une nouvelle source de stress et de douleur s’ajoute à la liste déjà longue des facteurs stressants.

* Kry et Casey (2007) : The effect of hiding enrichment on stress levels and behaviour of domestic cats (Felis sylvestris catus) in a shelter setting and the implications for adoption potential.

Pourquoi faudrait-il minimiser le stress ?

Parce que diagnostiquer l’état de santé d’un animal stressé, c’est difficile. En effet, réaliser les soins et le manipuler devient particulièrement ardu puisque le chat a tendance à fuir le clinicien ou à l’attaquer, toutes griffes dehors. De plus, les paramètres physiologiques comme le rythme cardiaque ou la pression sanguine peuvent être modifiés sans lien direct avec la maladie, ce qui peut induire le clinicien en erreur. Le stress peut aussi induire un état de mal-être chez l’animal entrainant des difficultés de prise alimentaire, un ralentissement de la cicatrisation et des troubles du comportement (fréquence d’expression anormalement importante de certains comportements comme flairer, gratter ou se toiletter).

Pourquoi s’intéresser à la cage d’hospitalisation ?

L’une des sources de stress la plus importante est la cage d’hospitalisation. Le chat y est enfermé tout au long de son hospitalisation et n’en sort que pour être ausculté, soigné, opéré ou pour que sa cage soit nettoyée. Cette dernière est très rarement aménagée avec un lieu de couchage confortable. Le chat est pourtant naturellement un gros dormeur et a donc besoin de se reposer. Le but de l’étude est par conséquent de voir si la présence d’un lieu de couchage confortable et d’une plateforme peut influer sur les comportements du chat et réduire son stress.

Comment s’est déroulée l’étude ?

Pendant 54 jours, deux groupes de 11 chats ont été observés dans leur cage d’hospitalisation. Chaque chat du premier groupe a été placé dans une cage avec une simple alèse et une litière (cf. schéma ci-après), et chaque chat du deuxième groupe a été placé dans une cage avec un panier en tissu fourré en mousse, une plateforme et une litière (cf. schéma ci-après). Ainsi, la cage avec alèse constitue un milieu minimal et la cage avec panier et plateforme constitue un milieu confortable pour le chat hospitalisé.

Chacun des félins a été filmé pendant une heure et un observateur a ensuite analysé les vidéos pour noter tous les comportements exprimés par l’animal (s’il est couché, s’il se déplace, s’il se toilette, …). Les moyennes des comportements exprimés par les chats de chaque groupe ont ensuite été comparées via une analyse statistique.

Quels ont été les résultats obtenus ?

L’analyse statistique des données comportementales relevées nous a permis de mettre en avant les quatre résultats suivants :

Les placés dans une cage avec une alèse ont tendance à se reposer peu. En effet, ils ont une propension à rester actifs : ils se déplacent dans la cage, restent assis plutôt que couchés ; et en état d’alerte : ils sont attentifs au moindre bruit extérieur et passent beaucoup de temps à regarder les parois de leur cage ou vers l’extérieur de la cage. Tout ceci laisse penser que ces chats sont dans un état de stress important. Une étude complémentaire évaluant l’état de stress des chats de chaque groupe nous permettrait de conclure quant au lien entre stress et aménagement de la cage.

Les chats placés dans une cage avec une panier ont tendance à se reposer et à dormir dans le panier ou sur la plateforme qui leur sont alloués. Ils peuvent y rester couchés de 15 minutes à plus d’une heure, sachant qu’un chat a besoin de dormir entre 15 et 18 heures par jour. Les comportements de repos sont donc essentiels chez cette espèce et leur expression dans un milieu restreint tel que l’hôpital peut être à la fois un indicateur de bien-être et un facteur de guérison.

Les mâles semblent plus sensibles à l'aménagement de la cage que les femelles. Ils restent plus actifs qu’elles dans la cage avec alèse et dorment plus qu’elles dans la cage avec panier. L’origine de cette différence est inconnue, mais peut-être existe-t-il, en particulier chez les chats stérilisés, un lien avec la stérilisation. En effet, une étude a montré que chez les femelles, la stérilisation a tendance à réduire leur stress. Une étude complémentaire comparant l’effet de la stérilisation sur les comportements indicateurs de stress entre mâles et femelles nous permettrait de conclure sur l’impact de la stérilisation sur les comportements de stress des mâles.

Le port de collerette et le port de perfusion sont deux facteurs qui impactent grandement sur le comportement du chat.

Nos deux groupes de chats, utilisés dans la présente étude, ne sont pas équilibrés par rapport au port de collerette et de perfusion. En effet, il y a plus de chats avec collerette et perfusion dans le groupe placé dans la cage avec alèse que dans le groupe placé dans la cage avec panier. Il est par conséquent nécessaire de prendre en compte ces deux facteurs dans l’analyse des résultats puisqu’ils restreignent l’animal dans l’expression de ses comportements : le chat avec collerette et/ou perfusion a tendance à rester immobile et assis, ce qui l’amène à se reposer peu. Partant de ces différents constats, il serait utile d’effectuer une étude complémentaire avec des groupes de chats équilibrés, à savoir, un même nombre de chats avec collerette et perfusion pour chacune des deux cages.

Quelle conclusion à tirer de tout cela ?

Parce que le chat a besoin de se reposer et qu’il est sensible aux conditions dans lesquelles il se trouve pendant son hospitalisation, il est important de maintenir pour son bien-être un milieu confortable. N’oublions pas qu’un chat qui se repose peut être un chat qui guérit plus vite ce qui peut réduire sa durée d’hospitalisation. Cependant, certains facteurs n’ayant pu être contrôlés comme le port de collerette ou de perfusion, il nous est impossible de conclure quant à l’état de stress du chat suivant les deux types de cages proposées. Cette étude est une étude préliminaire. Toutefois, elle nous fournit quelques arguments percutants – comme le fait que la présence d’un panier permet l’expression de comportements de repos chez le chat – pour pouvoir conseiller et sensibiliser les vétérinaires.

Conseiller, parce qu’il nous est désormais possible d’argumenter auprès des hôpitaux vétérinaires de l’importance de fournir systématiquement un panier et une plateforme aux chats hospitalisés.
Sensibiliser, parce que le clinicien et le personnel soignant doivent connaître l’importance de procurer un environnement agréable à l’animal et d’aménager sa cage en conséquence.

Nos chers amis à quatre pattes ne s’en porteront que mieux !